Girls Saison 03 : Les Filles n’ont plus le coeur à rire.

Le dernier épisode de la saison 3 de Girls a été diffusé dimanche dernier aux Etats-Unis et d’emblée, un constat s’impose : le passage à l’âge adulte est un véritable chemin de croix pour la génération Y. Mais bien plus qu’un portrait générationnel, la série tente bel et bien d’inscrire le réel dans la fiction afin de refléter une réalité pleine de douceur mais aussi d’amertume. Petit retour en arrière.

 






Depuis plus de quinze ans, la télévision américaine arpente de nouveaux territoires visuels et narratifs avec un courage qui n’existe plus au cinéma. Les SopranosThe WireBreaking Bad, les exemples sont légions. Mais malgré un postulat de départ décalé, les networks américains ont toujours eu confiance en la capacité d’adaptation du téléspectateur. C’est ce qu’ont bien compris Lena Dunham et son producteur -mentor - Judd Apatow en proposant Girls à HBO il y a trois ans. Autopsie du quotidien de vingtenaires un peu paumés dans le Brooklyn des années 2010, Girls adopte l’angle de la comédie teintée d’une cruauté presque salvatrice. Rire de quelque chose qui nous renvoie à notre vie réelle, telle est la profession de foi de la série.


Girls Saison 3



Girls aurait pu s’inscrire dans le registre comique des « apatow’s comedies » à savoir prendre un phénomène de société, le pousser à fond dans la comédie référentielle pour distiller en son sein des vérités pas toujours très avouables. Mais depuis la saison 2 et le grinçant 40 ans mode d’emploi, on voit s’installer une forme de tristesse et de mélancolie même si le rire a toujours sa place. Le réel contamine la fiction, comme si Dunham et Apatow (dont chacune de leurs oeuvres sont truffées de détails intimes sur leurs vies) n’avaient plus le coeur à rire et n’arrivaient plus à camoufler leurs états d’âmes.



Chronique sur l’amitié plus forte que l’amour, la saison 3 touche du doigt les rapports complexes qui unissent des êtres qui ne se supportent plus mais qui ont du mal à se passer les uns des autres.  Emancipée du cadre comique des premiers épisodes, Lena Dunham est désormais observatrice de sa propre vie, du monde qui l’entoure et ne cherche jamais à enrober sa mélancolie d’une vitrine rassurante. Ici, le masque du clown tombe définitivement et le choc qu’elle nous renvoie est d’autant plus émouvant, réflexif et déstabilisateur. La présence de plus en plus affirmée de Jenni Konner à l’écriture en ait sans doute pour quelque chose.

 

Girls Saison 03



Cette (avant dernière ?) saison dépeint avec une acuité rare le quotidien d’une jeunesse qui angoisse de vieillir tout en étant capable de prendre le recul nécessaire pour en saisir les enjeux. Portée par une écriture sans faille qui s’amuse de certains codes la comédie romantique, Girls a le mérite de nous présenter un éventail d’émotions dont chacune est le fruit d’un regard méticuleux sur nos semblables. Une démarche salutaire que Judd Apatow avait déjà entrepris il y a  quinze ans avec sa géniale série Freaks & Geeks. Car comme John Hugues avant lui, Apatow nous parle de choses cruelles à la manière d’une comédie, qui nous faisait ressortir galvanisés (voir Breakfast ClubWeird Science ou le méconnu Sixteen Candles). C’est donc dans une logique implacable qu’il transmet le flambeau à Lena Dunham qui a compris que le rire est devenu, avant tout, une forme de poésie du désespoir. 









Clement Lemoine (@ Twitter / @ Tumblr )

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